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Herbeline : Herbe de petite taille de couleur brunâtre qui pousse à proximité des marais. Cet aromate au goût doux et légèrement amer parfume délicatement crèmes et pâtisseries.

 

Inqueresse : Fée des marais.

 

Andaineuse : Herbe médicinale. En infusion, elle permet de calmer les maux de tête et fortes fièvres.

 

Fébricule : Petite baie jaune pale comestible.

 

Délitescence : Poussière de lune.

 

Civadière : Sac de cuir à petits compartiments, utilisé pour la cueillette des herbes et champignons.

 

Fribourg : Petite pâtisserie feuilletée fourrée à la crème.

 

Griannau : Tubercule comestible à la chair farineuse de couleur mauve.

 

Ergastule : Petit serpent vert.

 

Itague : Arme blanche de défense. De petite taille, elle ressemble à un couteau. Elle permet de toucher son agresseur et le mettre hors d’état de nuire sans le blesser gravement…

 

Malard : Nain qui aime vagabonder aux abords des lacs et marais.

 

Nope : Cabane de bois construite par les Malards souvent situés dans des lieux humides et froids.

 

Ozalid :Grande fleur de couleur blanche aux reflets bleutés.

 

Se pagnoter : Se plaindre sans cesse.

 

Palangrotte : Soupe de Griannaux, à la crème et au lard.

 

Ramender : Raconter des histoires pour se sortir d’une situation délicate.

 

Rogomme : Sapin de grande taille.

 

Scramasaxe : Animal des marais au corps de singe et à la tête de crapaud.

 

Huque : Grande cape à large capuche.

 

Poutrepailler : (fam) Danser avec entrain.

 

***

 

La reine des marais

 

Léo regardait sa mère cuisiner. Il venait du jardin, où il avait été lui chercher les plus beaux Griannaux du potager. Elle les coupait d’une main experte, les ajoutant aux morceaux de lard que le petit garçon plongeait au fur et à mesure dans la marmite. Il salivait déjà à la perspective de la Palangrotte  qu’ils mangeraient pour le souper. C’était une des spécialités de sa mère, pourtant ce qu’il aimait par-dessus tout c’était le dessert. Comme à chacune des veillées de l’année nouvelle, sa mère s’apprêtait à préparer de succulents fribourgs fourrés à la crème. Un régal ! Il ne connaissait rien de meilleur…

Pendant qu’il rêvait à ces délices assis sur une chaise de la cuisine, sa mère continuait de s’affairer. Elle plaça la marmite sur le feu pour laisser la soupe mijoter et mit sur la grande table de bois, la pâte qu’elle avait laissée reposer. Elle prit au passage un des petits récipients de verre où elle conservait ses épices et fit la moue.

« Voilà que je n’ai pas assez d’herbeline pour le dessert, dit elle pensivement. »

Léo qui ne l’écoutait que distraitement ne releva pas la tête. Il humait les effluves de viandes et de légumes que la cuisson exhalait dans toute la pièce. Ses yeux fixaient avec envie la pâte feuilletée étalée sur la table. La préparation de tous ces mets était, pour sa bouche gourmande, la promesse de merveilleuses saveurs.

«  Et c’est que je n’ai pas le temps d’aller en chercher… avec tout ce qui me reste à faire, continua sa mère. »

Léo quitta à regret son état contemplatif, leva lentement les yeux vers sa mère et bien qu’à contre cœur proposa timidement: « Je peux y aller si tu veux… 

Sa mère lui répondit par un sourire, visiblement soulagée.

«  Oh, tu ferais cela pour moi…tu es un ange. Enfile vite ton huque. Il fait froid et l’air est plus encore frais près du marais. Tu sais où trouver de l’herbeline, n’est-ce pas. » Elle finit sa question  d’un hochement de tête en signe d’acquiescement,  puis se remit à la tâche sans même attendre la réponse. Elle était si occupée qu’elle ne vit pas la mine angoissée de son garçon qui enfilait péniblement son Huque et ses bottes. Léo n’aimait pas s’aventurer du côté du marais et l’idée d’y aller seul ne l’enchantait guère. Il se dit qu’il était peut-être encore temps de changer d’avis. Il arriverait sans peine à ramender sa mère, pour éviter cet endroit  froid et nauséabond.

Pourtant sans herbe line pas de fribourgs…et un réveillon sans fribourgs, ça n’existe pas!

« Allons cesse de te pagnoter » se lança-t il en guise d’encouragement.

Il s’empara de la civadière et de son itague.

 

- Voilà maman je suis prêt. Pendant que j’y suis-je ramènerai de l’andaineuse.

- Merci mon garçon, mais presse toi, je vais avoir besoin rapidement d’herbeline.

- Pas de problèmes maman, je me dépêche.

 

De toute façon, marmonna- t-il pour lui même, pas de danger que je traîne dans les parages. Il ouvrit la porte, laissant le vent froid de fin décembre s’engouffrer dans la cuisine.

 

« Prends garde aux ergastules… » entendit-il, avant de fermer la porte derrière lui.

 

Ces maudits serpents! Il avait presque failli les oublier. Il les avait en horreur et le marais en regorgeait. Il fallait aussi redouter les Scramasaxes, de sales bêtes sournoises qui vous sautaient dessus sans crier gare. Sans oublier les malards, les nains des marais… les plus laids et les plus dangereux. Sa mère avait beau lui répéter qu’ils n’existaient pas, il ne pouvait  se résoudre à la croire.

Le trajet fut difficile pour le petit garçon. En proie à une imagination trop fertile, il ressassait les dangers qui l’attendaient, observant les ombres sur son passage, les empreintes d’animaux sur le sol et guettant le moindre bruit suspect. A chaque pas, il était un peu plus effrayé qu’au précédent, si bien qu’une fois arrivé à destination, il était tétanisé autant de peur que de froid. 

Le marais semblait encore plus lugubre qu’à son habitude. Un brouillard épais l’avait enveloppé, tel un large manteau blanc, dont l’opacité n’était guère rassurante. Il donnait à chaque arbre, chaque rocher, chaque forme une aura de mystère, laissant planer une ambiance lourde et inquiétante…

Pour se redonner du courage, Léo pensa aux fribourgs fondant dans sa bouche, au goût fabuleux de la crème parfumée d’herbeline. Levant fièrement la tête pour affronter le danger, il s’enfonça prudemment dans la blancheur environnante. Il accomplirait sa mission, même s’il devait pour cela se mesurer aux ergastules, aux scramasaxes, aux malards et autres créatures du marais.

Fort de cette bravoure tout juste gagnée, il se mit en quête des herbes demandées par sa mère. Sa témérité fut bien vite récompensée. Quelques brins d’herbeline l’attendaient à côté d’un buisson à fébricules. Il s’agenouilla pour les couper à l’aide de son itague, tout en chipant quelques baies au passage. En cet endroit, le brouillard semblait se dissiper. On y voyait plus clairement  et Léo n’eu pas de mal à discerner de l’andaineuse à quelques pas…

Quand il se releva pour les ranger dans la civadière, le visage du petit garçon se figea de stupeur. Non loin de lui se dressait une petite cabane de bois.

 

« Une nope murmura-t-il dans un souffle. »

 

Une petite personne, dont on ne pouvait distinguer le visage, se tenait devant la porte. Mais pour Léo, pas de doute possible…il faisait face à un malard. Le courage du petit garçon avait ses limites et il décida qu’en fin de compte, il était plus raisonnable de prendre ses jambes à son cou. Herbes à la main, il commença à courir en direction du mur de brouillard blanc qui le mènerait vers le sentier du retour. Pourtant, il stoppa net quand il entendit une voix enfantine l’interpeller en ces termes: «  Attend Léo, je ne te veux aucun mal. » Le garçon était stupéfait. Etait-il possible qu’un malard le connaisse et l’appelle par son prénom? S’il était trop effrayé pour se retourner, la curiosité  l’empêchait de repartir.

 

« As-tu peur ? continua la voix, légèrement moqueuse. »

 

Vexé, le petit garçon fit volte face pour répondre qu’il n’était pas un poltron, mais il ne s’attendait pas à se retrouver nez à nez… avec une fille!

Il fut tellement surpris qu’il en oublia de répondre.

Et puis, ce n’était pas n’importe quelle fille… c’était la plus jolie qu’il ai jamais vue. Elle avait le teint pâle, des yeux verts pétillants et de jolies boucles brunes tombant sur ses épaules. Elle portait une robe d’un blanc pur qui brillait, comme si elle s’était parée de milles étoiles scintillantes.

 

« L’Inqueresse », s’exclama Léo, d’une voix lointaine.

 

La petite fille laissa échapper un petit rire mutin, puis lui répondit :

 

- Non l’inqueresse est ma reine… Je suis la fée Délitescence, ce qui signifie poussières de lune en elfique, aussi tous mes amis m’appellent Luna. Tu peux m’appeler ainsi si tu veux…

- Luna murmura Léo comme en plein rêve.

- Suis moi, lui dit Luna, sinon nous allons manquer le spectacle.

- Le spectacle…Quel spectacle ? Je suis pressé…

- Ne t’en fais pas, cela ne prendra pas trop longtemps. Ta mère ne s’en apercevra même pas. 

 

Elle lui prit la main et sans plus d’explications, l’emmena au plus profond du marais. Le brouillard y avait pris la forme d’une brume légère et enjôleuse qui semblait caresser doucement les arbres et les herbes hautes.

Lorsque Luna et Léo furent installés sur des coussins d’herbes et de mousse confortables, la petite fée fit un signe de la main. La brume se déchira en un éclair, laissant s’échapper une multitude de petites poussières phosphorescentes qui recouvrèrent herbes et eaux d’un fin tapis lumineux. La pâle lueur émise proposait un éclairage délicat, parfaitement adapté pour cette scène improvisée. Le spectacle pouvait commencer. Peu à peu, le marais s’anima…

 Le vent se leva, virevoltant et s’engouffrant en tous sens, éveillant une musique étrange. A ces vibrations se superposa le murmure grave des rogommes des peupliers et des saules… Des Ozalids, ouvrant leurs pétales pour dévoiler leur cœur bleuté, mêlèrent leur voix cristalline à cette symphonie naturelle.

Une nuée de petites lucioles s’éleva dans le ciel et se mit à poutre pailler un ballet aérien. Des libellules multicolores les rejoignirent bientôt dans leur folle danse. Sons, couleurs et lumières s’entrelaçaient en milles éclats féeriques…  

Émerveillé, Léo voulu parler à Luna pour partager son émotion, mais celle-ci avait disparu. Quand il se tourna à nouveau vers le marais, tout était redevenu immobile et silencieux, le brouillard s’était de nouveau installé. Comprenant que le spectacle avait pris fin, il se leva, marqua un temps d’arrêt pour observer la nature afin de lui témoigner son profond respect, puis il s’éloigna.

Il retrouva le chemin du retour sans problèmes, se repérant d’instinct dans le manteau blanc du marais, n’éprouvant plus, ni peur, ni froid.

Quand il rentra il fut surpris d’entendre sa mère s’exclamer :

 

« Comme tu as fait vite! Tu as mis à peine dix minutes. »

 

Léo s’installa sur la chaise qu’il occupait quelques instants plus tôt… Cela lui semblait une éternité !

Tandis que sa mère préparait les fribourgs, le petit garçon lui demanda: 

 

- Connais-tu la fée Délitescence?

-  Bien sûr, lui répondit sa mère, en lui faisant un clin d’œil, Luna est la fée qui récompense les enfants rêveurs et courageux… 

 

Léo sursauta et quand il regarda sa mère,  il surprit dans ses yeux, une lueur énigmatique. Il la reconnut immédiatement… C’était cette lueur féerique qui avait habité le marais pendant tout le spectacle.

Alors il comprit… il comprit que sa mère et l’Inqueresse n’étaient qu’une seule et même personne. Tout simplement, il comprit que sa mère était la reine des marais.

Tag(s) : #Jeux littéraires
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