« Ma chère petite fille
Quand tu ouvriras cette lettre
Je ne serai plus de ce monde
Depuis longtemps
Et tu seras peut-être toi-même
Au coeur de ta vieillesse.
Pour te redire ma tendresse
Et combien je t’ai aimée
Pendant les vingt années
Où tu vécus sous mon toit.
Les souvenirs, comme ils sont doux
Quand on les retrouve au bout
De tant et tant d’années
Dans une malle abandonnée
Là-bas, tout au fond du grenier
Emoi de retrouver la demeure
Où j’ai grandi, où j’ai mûri
Où fleurirent tous mes bonheurs !
Tissée de toiles d’araignée
La malle est là, juste entrouverte
Où pêle-mêle et inertes
S’entassent un peu de guingois
Carrés de soie, châles mités
Chiffons, rideaux, rubans et peignes
Miroirs brisés, bagues, babioles,
Lacets usés, pages de livres,
Journaux jaunis et jeux de billes,
Poupées cassées, vieux bibelots
Qui me rappellent en un mot
Les bons moments de mon enfance
Mes vrais fous rires, mes joies immenses
Et mes petits chagrins aussi.
Soudain, sous le fatras
Des objets oubliés
Une lettre cachetée
Sans un nom indiqué.
Oserais-je l’ouvrir ?
M’est-elle bien destinée ?
Si je ne le fais pas
Personne ne le fera
Jamais plus désormais.
Fébrile je décachette
La missive secrète.
Je veux par ces quelques lignes
D’où je suis t’envoyer un signe
Pour protéger ton l’avenir
Et retrouver nos souvenirs
Te réchauffer et te bercer
Rire avec toi, sécher tes larmes
De mes baisers te recouvrir
Puis au delà de tout t’offrir
A toi ma petite fille chérie
Pour chaque moment de ta vie
Chaque minute et chaque jour
L’éternité de mon amour »
Ta maman, premier janvier 1969