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Plus mon regard se fixe sur elle et plus ma vue se trouble. Sa luminosité m'illusionne et je finis par ne plus savoir si cette page est vraiment blanche. J'y vois des tâches de couleur grises, brunes ou beiges venir danser devant mon regard. Il y a des ombres fugaces qui ne représentent rien, qui ne montrent plus rien, mais qui m'hypnotisent. Je les vois s'échapper en emportant au loin mes idées, mes rêveries, mes chimères. Tous les grains de folie que je croyais pouvoir déposer en vibrant sous l'arc en ciel de mon imagination se grises, s'estompent et puis s'effacent lamentablement.

Et le pointeur de l'ordinateur, ce drôle d'objet furtif, continu de clignoter dans le coin supérieur gauche. Espiègle et agile, guilleret et moqueur, il s'étire puis se cache tour à tour comme pour mieux m'entrainer et me perdre. Je voudrais l'ignorer mais il est plus fort que moi. Ma vitalité s'égare dans son attirance.

Dans un dernier effort, je ferme les yeux. Je veux me recentrer sur le souffle de l'envie qui m'habite, sur cette vague de fraîcheur qui bouscule encore ma mélancolie profonde. Et j'entends alors, remontant de très loin, funambule entre les degrés d'une partition, les notes de ma mélodie créatrice.

Doucement, j'ouvre les yeux. Mais la page n'est plus blanche !

C'est une palette de signes multicolores.

C'est un débordement de fragrances.

J'y plonge sans plus réfléchir en éclaboussant le clavier et l'écran. Je m'y répands. Je m'y complets. Je sens le contact des mots comme des ondes se déplaçant sur ma peau. Elles remontent le long de mon corps pour éclater en rafales continues dans ma tête ivre et joyeuse. Plaisir de dire. Plaisir d'écrire.

Enfin, je me laisse aller, épuisé.

Ah quel bonheur d'avoir osé !

Tag(s) : #Textes des auteurs
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