Episode de canicule extrême, pandémie galopante, chacun cherche le lieu idéal pour profiter d'un peu de fraîcheur.
Les magasins sont en rupture de stock d'éventails. En fouillant, malgré la fournaise dans les malles entreposées au grenier, j'ai retrouvé celui que ma grand-mère m'avait rapporté de son voyage en Chine. Elle l'avait négocié pour quelques yuans chez un jeune antiquaire dans les rues de Shanghai. Il est finement décoré d'un paysage printanier qui invite à la rêverie, au voyage immobile.
À la maison, dans mon cocon silencieux, j'ai beau l'agiter frénétiquement, j'en tire peu de bénéfice. L'air est brûlant, l'atmosphère étouffante. Où vais-je pouvoir trouver un frais répit ? La famille se terre au sous-sol.
Bienheureux aujourd'hui les possesseurs de caves et autres grottes ou bunkers de survie.
Je suis lasse, depuis dix jours, de rester cloîtrée à supporter les incessants bavardages familiaux conjecturant toutes sortes d'hypothèses plus farfelues les unes que les autres dont mon frère alimente à tout bout de champ le réservoir inépuisable.
Courage ! Fuyons !
Affronter la chaleur cuisante des rues du village ne m'enchante guère mais c'est mon seul espoir de pouvoir trouver un peu de tranquillité, carburant essentiel à la libre éclosion de mes rêveries adolescentes.
Certes mon frère est un bavard incessant dont je fuis souvent la présence mais il m'a aussi fait découvrir tous les coins et recoins du village, des plus exposés aux plus tranquilles. Je ne sais par quelle magie obscure il en trouve les secrets mais aujourd'hui je compte bien en profiter pour me mettre à l'abri.
Après avoir sué sang et eau, j'ai rejoint le tunnel qui, il y a plusieurs siècles, a permis au seigneur local de fuir les Anglais. Me voilà au cœur de la forteresse bien fermée, délaissée par la foule, au pied de ce bel escalier de pierre en colimaçon joignant les cuisines médiévales à la magnifique grande salle du château.
Enfin ! Je respire et peux à nouveau plonger dans les tréfonds de mon imagination fertile pour fuir ce monde de plus en plus rude. Enfin, me voilà au calme !