Le capitaine scrutait l’horizon, appuyé au bastingage de son navire, frappant machinalement le sol de son soulier gauche. Il avait avalé rapidement le contenu de sa timbale au contenu insipide pour retrouver le pont au plus vite. C’était son second qui tenait le gouvernail, il pouvait lui faire toute confiance. Néanmoins, il était préoccupé, au point qu’il avait oublié son unique gourmandise, un biscuit à l'amaretto qui accompagnait habituellement son expresso.
Le conditionnement des marchandises à emporter avait pris du retard et le paquebot avait pris le large huit jours plus tard que prévu, ce qui lui avait laissé davantage de temps avec sa famille avant de reprendre la mer. Maintenant, les marguerites, les blés et les coquelicots avaient disparu depuis longtemps.
Pourtant, lui qui avait apprécié son travail plus que tout aurait eu envie de prendre la poudre d’escampette, de fuir ses responsabilités et ses engagements. La présence des autres lui devenait insupportable et il aurait tout donné pour une semaine de solitude sur une île déserte, ou pour se transformer en nain et passer inaperçu au milieu de son équipage.
Mais comment échapper à une vie toute tracée, comment redéfinir sa trajectoire, comment s’échapper d’un espace clos et confiné ? Sa seule échappatoire était d’inspirer profondément l’air marin et de scruter les horizons lointains. Un jour, peut-être, disparaitrait-il sans que personne s’en aperçoive…