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« Amis, il faut faire une pause

J'aperçois l'ombre d'un bouchon

Buvons à l'aimable Fanchon

Chantons pour elle quelque chose »

 

De là où nous étions, nous entendions encore nos copains de chambrée rire et chantonner des chansons paillardes…

Il faut dire que nous étions heureux : nous avions gagné dans l’après-midi « la coupe des potes », glorieuse récompense pour notre club de Rugby de Pépin-Lès-Vignes.

Sébastien et moi avions décidé de nous isoler, non pas que nous ne voulions pas participer à la petite fête, mais il devenait urgent de régler un vieux contentieux : Emilie.

 

Emilie était une très jolie jeune-fille à la peau rosée, le nez émacié et les cheveux couleur carbone. On l’avait surnommée « Fanchon », à cause de l’espèce de carré de tissu qu’elle portait sur la tête et qu’elle nouait sous le menton. A l’heure où toutes les filles du village rêvaient de partir à la ville, elle affirmait tout haut qu’elle était paysanne et fière de l’être et que sa vie était ici.  Nous buvions ses paroles comme nos copains de Rugby descendaient les cannettes de bière.  Paradoxalement, si Sébastien et moi étions les meilleurs amis du monde sur le terrain, c’était une autre histoire quand une fille s’intercalait entre nous. Et dans ce cas, ce n’était pas n’importe laquelle. Emilie nous avait tourneboulé l’esprit. Au début, nous n’osions pas aborder le sujet entre nous. Sébastien était très réservé quand il s’agissait de parler d’elle. J’avais même parfois la désagréable sensation qu’il me cachait des choses. Je devais sans cesse le provoquer pour qu’il déballe son sac. Plusieurs fois nous en sommes venus aux mains, mais ça c’était toujours terminé gentiment… Depuis quelques temps cependant, je sentais qu’il m’évitait, comme s’il me cachait quelque chose. Peut-être la voyait-il en cachette, je devais savoir. Je ne pouvais plus me permettre d’autres atermoiements, je devais prendre une décision maintenant.

 

Je me tenais à l’encoignure de la vieille bâtisse du Maire du village quand je décidais enfin de prendre la parole :

-      Sébastien, nous allons devoir faire cavalier seul. Nous sommes tous les deux amoureux d’Emilie, nous ne pouvons plus être amis, il y aura forcément un perdant et un gagnant..

Celui-ci éclata de rire, à la grande surprise de Marc. Il riait tellement qu’il en perdit même son souffle. Hors d’haleine, il finit enfin par articuler quelques mots :

-      Imbécile, tu as cru qu’elle était différente des autres, et j’avoue que moi aussi j’ai été sous son charme, mais figure toi que juste avant le match, elle est partie.

-      Partie ?

-      Elle a fait comme les autres, pardi ! A la ville ! Nous autres ne sommes que bons à cultiver la terre et jouer au rugby, et ça, mon vieux, ça n’intéresse pas les femmes, crois- moi ! La Fanchon, elle a fait comme les autres ! Et la bonne nouvelle, mon pote, c’est que nous allons devoir rester amis !

 

Marc accueillit la nouvelle avec tristesse, mais finalement il n’avait pas tout perdu. Les deux amis, sourire aux lèvres, redescendirent de la colline et s’enfoncèrent dans le village pour retrouver leurs copains de rugby et finir la soirée en chantant :

 

« Fanchon ne se montre cruelle

Que quand on lui parle d’amour

Mais moi je ne lui fais la cour

Que pour m’enivrer avec elle. »

 

« Elle aime à rire, elle aime à boire,

Elle aime à chanter comme nous. »

Tag(s) : #Textes des auteurs
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