La situation était pour le moins paradoxale : acculée dans l’encoignure, au milieu de cette chambrée de filles, on ne pouvait la manquer. Elle semblait échappée d’un autre temps, avec son regard tourneboulé, ses cheveux roux s’échappant d ’un fanchon en cotonnade délavée, noué sous le menton.
Ses yeux menaient une folle sarabande, allant de la porte à la fenêtre, cherchant une échappatoire, survolant le groupe de filles qui la dévisageaient avec une curiosité malsaine. Faute de pouvoir atteindre une issue quelconque, on avait l’impression qu’elle n’avait qu’un désir : s’enfoncer dans le sol, là, tout de suite ; disparaître sans atermoiement. Elle était livide et on pouvait percevoir les contractions de sa cage thoracique, comme si, à la suite d’une course folle, elle se retrouvait hors d’haleine, apeurée comme un petit animal pourchassé par des prédateurs… A moins qu’elle n’ait été oppressée par les relents malsains qui remplissaient la pièce : air confiné, voire vicié par des émanations d’oxyde de carbone, remugles de choux, effluence de moisissures…
Il flottait dans l’air de cette chambrée un tel climat de tension qu’on ne pouvait que s’inquiéter quant aux relations qui allaient s’établir entre cette nouvelle arrivante et le groupe déjà en place…