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Laïtaecia raffolait des coiffures de toutes sortes. L’important demeurerait pour elle l’illusion des changements. En effet, elle savourait la possibilité presque infinie à ses yeux de passer du look court à long en n’oubliant pas le mi-long et vice-versa. Donc, ce qu’elle appréciait le plus dans le fait de porter ses cheveux très longs, c’est qu’elle pouvait les transformer à sa guise, et ce, surtout très rapidement.

Ainsi, elle ne se sentait jamais mal à l’aise face aux autres femmes. Elle avait comme un pas d’avance sur ses possibles rivales. Question mensurations et proportions corporelles ou encore grosseur et formes des seins, là il en était tout autrement. Elle peinait devant les qu’en dira-t-on et les commérages désagréables. Mais elle savait faire diversion. Elle portait un masque de froideur. En réalité elle en souffrait beaucoup qu’elle ne voulait l’avouer et les avait en sainte horreur. D’ailleurs, comme une petite vengeance personnelle ou comme une victoire sur les mégères, elle disait à qui voulait bien l’entendre avec une certaine lueur de malice ou de mépris dans le fond sans fin de ces immenses yeux bleus... Peu m’importe, car je suis la plus intelligente, la plus gentille et la plus belle d’entre nous toutes.

Elle aimait tant jouer avec les cheveux, et ce depuis son plus jeune âge, qu’elle devînt une spécialiste des coiffures de transformation. Elle pratiquait l’art de la haute coiffure. Elle était devenue poétesse de la chevelure. Tout l’amenait à la beauté poétique de l’œuvre capillaire. Ces coiffures devenaient des œuvres d’art précieuses. Des petits bijoux ciselés de ses mains de grandes artistes.

L’événement des bals de fin d’année scolaire, des fiançailles, des mariages et autres occasions spéciales lui étaient sources d’inspiration. C’est ainsi qu’à longueur d’année, le salon réputé où elle avait l’honneur d’exercer sa profession lui procurait la matière à créer. Cette magnifique boutique capillaire portait le nom d’enseigne farfelu de HCHZÉ pour  Haute Coiffure Huppée Z Ébouriffée.

Les années passèrent ainsi au rythme des saisons et aux variations des tendances et des modes.

Puis un jour, après avoir tant aimé la vie, tout s’arrêta subitement.

À quoi sert-il de vivre ? diront certaines personnes, si cela est pour en être trop rapidement éconduite. Que la vie peut sembler souvent injuste et d’une grande cruauté. Elle qui raffolait de presque tout dans la vie en général cessa hélas ! d’émouvoir et d’aider à la transformation de l’image des femmes par des coiffures excentriques autant que par sa joie de vivre ; ainsi que par sa vision créatrice hyper poétique sur son environnement.

Sa vie si riche et palpitante lui fut arrachée par la faucheuse un jour d’avril sombre et froid.

Alors que tout la prédestinait à la plus grande des réussites personnelles et sociales, le vilain semeur à la faucille, ce squelette tant répugnant lui vola son énergie vitale.

Son enveloppe charnelle fut retrouvée outrageusement abîmée, sauvagement abandonnée dans une clairière protégée des regards par une rangée d’arbres plantés serrés et d’arbustes touffus.

Elle s’y était sans doute retrouvée pour faire une pause méditative lors de sa course matinale sur son sentier pédestre préféré. Au centre quelques bancs taillés à même de gros blocs de granite.

On lui avait fracturé le crâne sur l’arrêt tranchant de l’un d’eux. Sectionné en partie son long cou d’une manière totalement bestiale, cruelle et sanguinaire. Sa tête à la coiffure normalement ébouriffée paraissait presque détachée de son tronc. Sa longue et magnifique chevelure de feux arrachée comme un scalp amérindien.

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